About book Good Sex Illustrated (Semiotext(e) / Foreign Agents) (2007)
À l’heure où il est de bon ton d’apporter de l’eau au moulin de l’hystérisation ambiante en châtiant et criminalisant les jeux sexuels entre louveteaux, l’exhumation de l’œuvre sulfureuse d’un Tony Duvert s’avère chose plutôt mal-engagée. À la génitrice outrée ayant porté plainte Duvert répondrait probablement qu’« au sein d’une modernité si aimable, annoncer à un enfant que, s’il commet tel ou tel acte, il risque, plus tard, de n’être pas comme toute le monde, c’est réellement le menacer de la peine capitale » (p. 82). Soit, passons.Dans Le Bon Sexe illustré (1973), Duvert, pour qui « la médicalisation de l’information sexuelle n’est qu’une prise en charge scientiste du vieil ordre moral » (p. 18), s’applique à une dissection acharnée de l’encyclopédie de la vie sexuelle.Duvert qui, dans son œuvre, dépeint l’éruption dionysiaque d’une violence sexuée chez l’enfant fustige ici les fondements d’une pensée morale et de son imprégnation familialiste dans un contexte post-68 pourtant perçu, avec le recul, comme La période de permissivité absolue. Le même Duvert qui, quelques années plus tard, suggérera dans Libération (interview inconcevable aujourd’hui) de retirer les enfants à leurs mères, personnages-clé d’un endoctrinement hystérisant et castrateur. « À l’enfant, privé de toute autonomie sociale, de toute relation spontanée à autrui, diminué, soumis, rabattu sur un père, une mère, une télévision crétinisante et une école aliénatrice, on produit une « initiation » qui lui décrit la sexualité des grandes personnes et censure ou ridiculise son érotisme propre » (p. 24). La famille, « première des instances répressives ».Dans la ligne contemporaine d’un Michel Onfray, Duvert rosse le freudisme et son complexe d’Œdipe perçu comme nouveau péché originel : « Eh oui, chaque homme naît coupable, ne rêve que meurtre et inceste (…) en racontant l’Œdipe comme si c’était un phénomène « instinctif » et fatal, on légitime cette petite horreur socioculturelle qu’est la famille occidentale moderne – un cannibalisme psycho-sexuel entre trois ou quatre affamés ficelés dans le même sac » (p. 63).Aussi, que les mentalités aient évolué en presque 40 ans ne surprendra personne – mais dans quel sens ? Révolution conservatrice, années Sida, affaire Dutroux, croisades contre l’« hypersexualisation » et béatification des corps nubiles ; la critique acerbe offerte par Duvert s’inscrit dans un passé constituant pour nous, tard-venus, un contexte discursif latitudinaire voire utopiste. Régression ? La destruction de l’idéal normopathe prôné dans les manuels apparaît comme toujours valide : « Le citoyen salarié qui se marie à vingt et un ans et, peu après, possède un enfant, un logement et une automobile reçoit le satisfecit des sexologues; et, comme l’écolier qui a réussi un calcul, il peut dire; J’ai bon » (p. 23).La sexologie est ici dépeinte comme Enfer de Dante pour enfant désirant (et désiré se demandera-t-on)? Là où l’ironie d’un Gabriel Matzneff sauvera ce dernier de ses Passions schismatiques, dans l’habile déconstruction du schéma familialiste opérée par Duvert, la question de l’autojustification demeure pour le moins en suspend. Dans cette vision marxienne d’une classe opprimée – les mineurs, enfants-poupées désexualisés malgré-eux, « damnés de la terre » demandant à être sauvés du joug matriarcal – le plaidoyer de Duvert transpire le conflit d’intérêt.
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